La folle aventure de Cortés, à la conquête de l’empire Aztèque
Prologue
Une poignée d’hommes contre un Empire… ainsi pourrait
se résumer l’exploit militaire de Cortés, l’Espagnol qui défia
l’empereur Aztèque quelques années à peine après la découverte de
l’Amérique par Christophe Colomb. Mais la conquête du territoire
mexicain est également synonyme de massacres sordides et de trahisons. Alors, Cortés, un beau salaud? À la lecture de cet article, vous devriez être en mesure d’en juger par vous-même!
Basé à Cuba sous le commandement de Diego Velázquez,
le gouverneur de l’île avec qui il entretient des relations
conflictuelles, Hernan Cortés est très vite attiré par l’inconnu et monte une expédition vers l’Ouest, direction : le Mexique! Débute alors une folle aventure à travers un territoire inconnu et hostile…
Le choc des cultures
Le 22 avril 1519, les onze navires de l’expédition de
Cortés débarquent sur le continent américain. Quand ils voient arriver,
comme tombés du ciel, ces drôles d’énergumènes à la peau blanche et au
visage couvert de poils, les autochtones sont plutôt impressionnés,
c’est sûr. Armures de fer, armes à feu, canons,… la technologie employée
par les envahisseurs est plutôt évoluée en comparaison des armes
ancestrales utilisées par les populations locales.
Portrait Hernan Cortés sur les anciens billets de 1000 pesetas espagnols
Les nouvelles vont bon train en Amérique centrale: à
peine arrivé, Cortés voit débouler des quatre coins de l’Amérique
centrale des émissaires des différents peuples venant à la rencontre des
Conquistadors. Aidé d’un interprète, Cortés en apprend chaque jour un peu plus sur ce pays hostile.
Les semaines passent… Cortés maîtrise maintenant les
enjeux militaires de ce nouveau territoire, et il comprend que les
Amérindiens sont loin d’être un peuple pacifique! En réalité, deux peuples s’affrontent depuis des temps immémoriaux: les Tlaxcaltèques et les Aztèques.
Mais loin d’eux l’idée d’éliminer complètement l’autre! Ici,
apprend-il, on ne se fait pas la guerre pour tuer l’ennemi, non, non,
non! Le but des conflits est de faire le maximum de prisonniers que l’on
sacrifie ensuite au Dieu-Soleil assoiffé de sang. On lui raconte que la
capitale de l’Empire aztèque, Tenochtitlan, est hérissée de dizaines de
temples et de pyramides en haut desquels ont lieu des rituels barbares.
Alors que le prisonnier est attaché à une table en pierre, un prêtre
armé d’un simple couteau en silex lui ouvre le torse et plonge sa main
dans le corps de la malheureuse victime pour lui arracher le cœur encore battant et l’exposer à la foule en délire.
Bigre. Quand il apprend l’existence de tels rituels, Cortés prend ce peuple en aversion, et on peut le comprendre!
Mais comment peut-il s’y prendre pour asservir une
civilisation forte de plusieurs millions d’individus avec, tout au plus,
un demi-millier d’hommes? Certes, les Conquistadors profitent de leur statut de teules, de demi-dieux, et sont craints et respectés malgré leur sous-nombre.
Mais ce statut tiendra-t-il toujours? Les Amérindiens ne
s’apercevront-ils pas un jour que les Espagnols ne sont que des hommes,
tout comme eux?
Les sacrifices humains chez les Aztèques vus par Grzegorz Rosinski…. (La cité du Dieu perdu, Thorgal, 12è tome)
Cortés l’indépendant
En attendant, avant de s’enfoncer dans la jungle
inhospitalière, Cortés consolide ses positions sur la côte et fonde la
cité de Veracruz. Vu le contexte, mieux vaut assurer ses arrières! Au
passage, il s’autoproclame capitaine général. Se faisant, il se
soustrait à l’autorité du gouverneur de Cuba, son ennemi Diego
Velázquez, et dépend maintenant directement de l’autorité du roi
d’Espagne… Forcément, cela n’est pas sans soulever une certaine
indignation parmi certains de ses hommes. Les partisans de Velázquez
crient au scandale et déclarent à qui veut l’entendre qu’ils veulent retourner à Cuba sur le champ pour dénoncer le comportement autocratique de Cortés.
Perdu au milieu de nulle part et entouré d’ennemis sanguinaires, Cortés
doit donc maintenant composé avec une rébellion parmi ses propres
rangs!
Ses opposants les plus téméraires se saisissent d’un navire, montent un équipage et mettent le cap vers Cuba.
Mais Cortés n’est pas un tendre et ne compte pas voir tous ses efforts réduits à néant par une bande de pécores. Les meneurs sont bien vite rattrapés et condamnés à mort par pendaison sans aucune forme de procès. Quant aux autres ils sont condamnés à la bagatelle de 200 coups de fouet…
La conquête du Mexique par Cortés (source)
Le châtiment exemplaire marque les esprits. Mais
est-ce bien suffisant pour s’assurer de la fidélité de ses hommes?
Cortés en doute. Il le sait, à peine partira-t-il en exploration que les
hommes restés à Veracruz se feront la malle. Que faire?
La solution est toute trouvée: il faut détruire l’ensemble des navires! Se faisant, Cortés franchit le Rubicon et, dès lors, plus aucun choix n’est possible: ce sera la conquête du pays ou la mort…
Le 16 août 1519, soit quatre mois après leur
débarquement, Cortés laisse une garnison d’une centaine d’hommes à
Veracruz et s’enfonce avec le reste de ses troupes dans les terres, dans
un territoire qu’aucun homme civilisé n’a encore foulé…
Hernan « Jules César » Cortés
« Tel Jules César conquérant la Gaule, Cortés souhaite tirer à profit la haine séculaire que se voue les deux peuples… »
Quinze jours plus tard a lieu la première confrontation avec les Tlaxcaltèques, les ennemis héréditaires des Aztèques dont Cortés avait reçu les émissaires quelques semaines plus tôt.
Bien sûr, la bataille tourne à l’avantage des
Espagnols. Comment pourrait-il en être autrement? L’acier, les armes à
feu, les arbalètes et les chevaux – animaux inconnus des Indiens et qui
les impressionnent au plus haut point – sont des alliés précieux et
compensent largement le sous-effectif des Conquistadors. Surtout, les
hommes de Cortés combattent pour tuer l’ennemi là où l’ennemi combat
pour tenter de faire des prisonniers à sacrifier ensuite aux divinités…
Une nuance de taille qui influe grandement sur la combativité des hommes
!
Victorieux, Cortés fait preuve d’une réelle
intelligence politique. Il sait que son plus grand opposant sera le
peuple aztèque qu’il ne tardera pas à rencontrer. Tel Jules César
conquérant la Gaule, il souhaite tirer à profit la haine séculaire que
se voue les deux peuples… Si les Tlaxcaltèques acceptent de se rallier à
sa cause contre les Aztèques, il leur promet la vie sauve. Sinon, ce
sera la mort et la destruction…
Pour les Indiens, le calcul est vite fait! Et Cortés de reprendre sa route renforcé de plus de 2.000 guerriers tlaxcaltèques…
Calendrier aztèque, vue d’artiste (source photo: radekpl)
La diplomatie, ça va bien 5 minutes…
Voilà notre joyeuse troupe qui arrive maintenant à
Cholula, une ville sous domination de Moctezuma II, l’Empereur aztèque.
Contre toute attente, les habitants les accueillent à bras ouverts, des
sourires jusqu’aux oreilles! Serait-ce trop beau pour être vrai? Cortés
sent qu’il y a anguille sous roche. Et si cet accueil fastueux n’était qu’une ruse pour lui faire baisser sa garde? En tout état de cause, il ne veut pas prendre le moindre risque. De façon « préventive » (sic), il ordonne le massacre de tous les habitants de la ville…
Hommes, femmes, enfants, tous sont tués sans exception. Puis il fait
envoyer un messager à Moctezuma II pour l’informer du massacre et lui
adresser un avertissement: l’empereur aztèque sait maintenant ce qui
l’attend s’il ne se soumet pas… Le bras de fer entre les deux peuples ne
fait que commencer.
L’arrivée en triomphe dans la capitale
Tenochtitlan… Le nom raisonne dans l’esprit de Cortés
comme un rêve inaccessible. Il s’imaginait une cité dressée au milieu
de nulle part, dressée au milieu d’un lac, au raffinement inégalé, aux
pyramides parées d’or et aux murs incrustés de pierres précieuses… Et
c’est tout à fait ça!
Le 8 novembre 1519, le voilà accueilli en grandes pompes dans la capitale mythique par l’empereur en personne. Les Aztèques ont bien compris la leçon de Cholula et confèrent aux Conquistadors les honneurs dignes de dieux.
Cortés est certes heureux de la tournure que prennent les événements,
mais il ne peut cacher ses inquiétudes à ses proches: que se
passera-t-il lorsque les Aztèques se rendront compte de la supercherie?
Lui qui est pris pour l’incarnation sur Terre du mythique serpent à
plumes Quetzalcoatl en personne, il sait que cet équilibre est précaire et que le moindre incident peut tourner au massacre!
Vue d’artiste du Dieu-Serpent à plumes Quetzalcoatl (source photo:Carlos Ortega)
Un grain de sable…
« C’est désormais officiel et le doute n’est plus permis pour les autochtones: les hommes à la peau blanche sont faits de chair et de sang, tout comme eux! Trahison! »
L’incident tant redouté, justement, ne tarde pas à
arriver… moins d’une semaine après l’arrivée des Espagnols à
Tenochtitlan, une terrible nouvelle arrive jusqu’aux oreilles de Cortés:
Veracruz , sa base-arrière dans laquelle il a laissé une
centaine d’hommes, vient d’être attaquée et tous ses habitants
massacrés! Avec la nouvelle leur provient une preuve du
forfait: la tête tranchée d’un Espagnol est présentée à l’Empereur.
C’est désormais officiel et le doute n’est plus permis pour les
autochtones: les hommes à la peau blanche sont faits de chair et de
sang, tout comme eux! Trahison!
Il faut réagir vite et bien. Cortés ordonne à ses
hommes de prendre Moctezuma II en otage et l’enferme sous bonne garde
dans son palais. Il ordonne ensuite qu’on lui amène les auteurs du
massacre de Veracruz, qui ne tardent par à avouer avoir agi sur ordre de
leur empereur… Fou de colère, Cortés les fait brûler sur le bûcher.
Un malheur n’arrive jamais seul…
Mais cette punition exemplaire ne suffit évidemment
pas à améliorer la situation qui prend un tour catastrophique…
L’hostilité du peuple aztèque envers les imposteurs se fait de plus en
plus sentir. Aussi, quand Cortés apprend que Diego Velázquez vient d’envoyer 18 navires à Veracruz, il ne cache pas sa joie! Des renforts ne seront pas de trop pour se tirer de ce mauvais pas…
Quelle n’est pas sa déception quand un messager lui
apprend finalement que Cortés a été déclaré rebelle à la Couronne
espagnole et que l’armée qui vient de débarquer n’est pas là pour
l’aider mais pour l’amener manu militare rendre des comptes à l’Empereur Charles Quint!
Loin de lui l’idée de se rendre… Cortés décide de
quitter Tenochtitlan à la tête de 300 de ses hommes et d’aller à la
rencontre des troupes espagnoles dirigées par un certain Narvaez. Dans
la capitale aztèque, il laisse une poignée d’Espagnols pour s’assurer
que la situation ne dégénère pas…
Grâce à son talent de stratège, Cortés remporte la bataille contre Narvaez en perdant très peu d’hommes. Mieux! Il enjoint les soldats fraîchement débarqués à se joindre à lui. S’ils lui font confiance, dit-il, à eux la richesse et la gloire!
Pendant ce temps, à Tenochtitlan, la situation n’est
guère reluisante… Face à l’hostilité ambiante, les quelques Espagnols
sur place commence à avoir des sueurs froides… Il leur faut agir, et vite, s’ils ne veulent pas finir le cœur arraché et bouffé à pleines dents.
L’épisode tragique qui devait arriver arriva…
Profitant de la baisse de vigilance de leurs ennemis à l’occasion d’une
fête religieuse, les Espagnols passent au fil de l’épée toute l’aristocratie aztèque.
Courroucée par cette tuerie, la population crie vengeance. Des milliers
d’hommes se ruent vers les envahisseurs qui se retranchent dans le
Palais impérial. Le 24 juin 1520, quand Cortés rentre de son expédition,
il ne peut que constater la dégradation catastrophique des relations avec le peuple aztèque.
Il parvient à pénétrer dans le palais où sont encore retranchés ses
hommes et se fait expliquer la situation. Que faire pour reprendre
l’initiative?
L’eau et les vivres viennent à manquer et le palais
est toujours entouré de milliers d’Aztèques pas contents (mais alors,
pas contents du tout). Bientôt, il faut se rendre à l’évidence: le seul
salut est la fuite!
Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1520 a lieu le célèbre épisode que l’Histoire retiendra sous le nom de triste noche. Les
Conquistadors, lourdement armés et les poches remplies du maximum d’or
qu’ils peuvent emporter, forcent le passage à travers une foule en
furie. Certains ont la chance de monter un cheval, ce qui augmente fortement leur chance de survie.
Seule une centaine d’hommes tout au plus parviendra à
sortir vivant de ce guêpier. Les autres, soit ont trouvé la mort sous
les coups des Aztèques, soit se sont noyés en voulant fuir la cité
(Tenochtitlan est une île au milieu d’un lac et de marécages), soit ont
été fait prisonniers et seront bientôt sacrifiés sur l’autel des Dieux…
La mythique cité de Tenochtitlan, fresque de Diego Rivera (1952)
Parmi les heureux rescapés figurent Cortés. Lui et les siens ne demandent par leurs restes et s’enfuient vers Veracruz… Tenochtitlan est maintenant derrière eux, certes, mais les Aztèques ne comptent pas lâcher l’affaire aussi facilement! Ils dépêchent aussitôt leurs meilleurs guerriers et traquent les fugitifs dont ils retrouvent la trace à Otumba…
La bataille d’Otumba: quand le lion est acculé, il sort ses griffes!
Les Aztèques jubilent. Enfin, ils vont pouvoir venger
la mort de leurs frères. Ils sont dix fois plus nombreux que les
faux-dieux qui leur tournent le dos!
Mais, contre toute attente, le combat tourne à leur désavantage.
Par quel miracle? Les Espagnols luttent pour leur survie (la victoire
ou la mort!) et donnent toute leur force pour ne pas finir en haut d’une
pyramide attaché à une table en pierre… Les lourds chevaux de guerre
qu’ils utilisent pour donner la charge et la mort du chef de guerre
ennemi très tôt dans la bataille ne sont pas non plus étrangers à ce
revirement de situation!
Les Aztèques mis en déroute, Cortés et ses hommes se réfugient chez les Tlaxcaltèques.
Seront-ils accueillants? Leur accorderont-ils leur confiance une
nouvelle fois? Oui! La solidarité entre autochtones, ce n’est pas
vraiment le truc des Tlaxcaltèques… Eux voient encore et toujours en
Cortés l’homme providentiel qui leur permettra d’anéantir leurs ennemis
de toujours. C’est donc renforcés de plus de 30.000 guerriers
que Cortés marchent de nouveau sur Tenochtitlan! L’heure de la vengeance
a sonné…
Au combat armé Cortés préfère le siège de la ville.
Le 30 mai 1521, il encercle Tenochtitlan et compte bien affamer
l’ensemble de la population. Un pari gagnant puisque, trois mois
plus tard, les Aztèques décident de se rendre. S’en est maintenant
définitivement fini de leur civilisation.
Épilogue
Revenu en grâce auprès de la Couronne espagnole,
Cortés est félicité de sa conquête en étant nommé gouverneur de la «
Nouvelle-Espagne ». Tenochtitlan n’existe plus. En lieu et place, la
fondation de la ville de Mexico commence… Outre l’asservissement de
toute une civilisation, on retiendra surtout qu’au final, ce sont les Amérindiens qui ont creusé leur propre tombe.
Bien leur aurait pris de laisser leurs petites querelles intestines et
de s’unir pour foutre une bonne raclée à ce blanc-bec de Cortés
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